Non, ce n'est pas la réponse du berger à la bergère. En organisant leurs états généraux du transport ferroviaire régional à Nantes le 28 septembre 2011, les régions se sont défendues de vouloir donner la réplique à la ministre de l'Ecologie qui a lancé il y a moins de deux semaines les Assises du ferroviaire, même si elles se sont dit étonnées de ne pas avoir été associées à l'initiative gouvernementale. "Ces états généraux étaient inscrits à notre agenda en avril 2011, a rappelé Jacques Auxiette, président du conseil régional des Pays-de-la-Loire et de la commission Infrastructures et transports de l'Association des régions de France (ARF). Ils ont été précédés de 18 mois de travaux en commun au sein de notre commission qui associe toutes les tendances politiques et nos propositions sont aujourd'hui synthétisées dans un manifeste." Car "le sujet est grave, les enjeux importants", a-t-il souligné. "Nous avons gagné une première bataille en assurant le véritable succès de la régionalisation des TER mais aujourd'hui, l'image du train au quotidien est malmenée et plus profondément, l'architecture, l'économie générale du système ferroviaire est fragilisée".
"En dix ans, les régions ont ressuscité le TER mais nous avons aujourd'hui atteint les limites du système, a appuyé Alain Rousset, président du conseil régional Aquitaine et de l'ARF. Nous dépensons aujourd'hui trois à quatre fois plus chaque année que ce que l'Etat nous verse pour la rénovation du matériel alors que depuis deux ans nos recettes sont figées", a-t-il illustré. Il a aussi fustigé l'"opacité des comptes" de la SNCF. "On ne connaît pas la valeur des différents postes et on envisage de demander à la Cour des Comptes de se pencher sur cette anomalie." Pour lui, "si la SNCF ne se réorganise pas, si elle ne secoue pas le modèle ancien qui coûte trop cher, on va dans le mur" et lorsque l'Europe achèvera la libéralisation du ferroviaire, "on roulera dans des trains allemands". A Nantes, le président de la SNCF, Guillaume Pepy, a reconnu le travail "extraordinaire" mené par les régions ces dix dernières années, ajoutant que face aux contraintes pesant sur les finances publiques, à l'état du réseau et aux risques de saturation de certaines lignes, il fallait maintenant "inventer une nouvelle étape". Pour tenter de calmer les critiques des élus, il a promis "des comptes de lignes et la mise en place d'un tableau de bord commun" tout en s'interrogeant sur l'opportunité de créer des entités juridiques régionales pour la SNCF, pour faciliter le dialogue avec les autorités organisatrices.
Pour des autorités organisatrices à part entière
Une évolution qui serait en phase avec la "régionalisation accrue" mise en avant par le manifeste présenté à Nantes. Il s'agit de permettre aux régions de devenir de vraies autorités organisatrices, à l'instar des communautés d'agglomération pour les transports urbains. Comme c'est déjà le cas en Ile-de-France, à travers le schéma directeur régional (Sdrif), les régions pourraient se voir confier un rôle de "chefs de file" en ayant "la responsabilité d'assembler et de coordonner au sein d'un document partagé avec l'ensemble des collectivités du territoire, les politiques de mobilités des différentes autorités organisatrices des transports". Celles qui le souhaitent pourraient aussi expérimenter la gestion directe des haltes et gares à trafic principalement TER. Mais ces compétences accrues, qui pourraient aussi conduire à une présence des régions au conseil d'administration de la SNCF et de RFF, devraient s'accompagner de nouvelles ressources fiscales "pérennes et dynamiques". L'ARF milite ainsi pour un versement transport élargi qui pourrait rapporter entre 400 et 500 millions d'euros, selon Alain Rousset.
Au chapitre financier, il faudra de toute façon passer par un "assainissement" du système pour "faire payer à chaque acteur ce qui correspond réellement aux compétences qu'il exerce, soulignent les régions. Ainsi, "RFF devrait porter les investissements de régénération sans faire intervenir systématiquement les collectivités locales et l'Etat devrait assumer les investissements de modernisation et de développement du réseau". Selon les régions, il appartient aussi à l'Etat, conformément aux engagements pris par le gouvernement en place en 1997, de prendre en charge la dette historique de RFF qui atteint aujourd'hui 28 milliards d'euros.
L'Etat appelé à prendre toutes ses responsabilités
Plus généralement, les régions appellent l'Etat à "reprendre toute sa place" dans le transport ferroviaire. Il doit d'abord "se donner réellement les moyens de contrôler l'action des différents établissements (RFF, SNCF mais aussi l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, NDLR) en clarifiant leurs objectifs stratégiques à long terme, tant d'un point de vue économique que social". Les régions souhaitent aussi que l'Etat développe "une vision de long terme des infrastructures nécessaires au pays (tous trains confondus ; grande vitesse, interrégionaux, régionaux et fret) et du niveau de service qu'elles doivent offrir". Pour elles, "cela doit être l'occasion d'aller vers une harmonisation réelle des conditions de concurrence entre le ferroviaire et la route et de faire reconnaître le fret ferroviaire comme un service d'intérêt général". Le manifeste met aussi l'accent sur la nécessité de "préserver l'industrie ferroviaire comme domaine d'excellence". L'Etat doit pour cela "soutenir massivement l'innovation, pas seulement dans les trains du futur à grande vitesse" et impulser "une véritable politique industrielle en permettant aux différents acteurs de se structurer". De leur côté, les régions estiment pouvoir contribuer à "garantir le haut niveau de formation des salariés de ce secteur et leurs perspectives d'emplois en fonction des évolutions de la filière". Enfin, elles prônent la relance d'une politique européenne du rail "solide, performante et efficace" qui "ne doit pas et ne peut pas se résumer à la libéralisation du marché ferroviaire". "Il faut dès aujourd'hui proposer, notamment via une coopération franco-allemande renforcée, une impulsion nouvelle pour la mise en œuvre d'un réseau transeuropéen de transports", estiment-elles. Cela constituerait "une première étape" dans la construction d'une Europe du rail. Une deuxième serait que la Commission européenne dispose d'un vrai budget dédié aux transports pour financer les "projets clés pour le développement d'un réseau transeuropéen". En matière de droit social, le manifeste juge qu'il faudrait "tendre vers une sorte d'accord de branche pour le ferroviaire". En écho aux réflexions sur la création d'un "Airbus européen du ferroviaire", l'une des réponses politiques aux yeux des régions pourrait être "un rapprochement des opérateurs historiques, notamment franco-allemands", sur le modèle de ce qui s'est produit dans l'aéronautique.
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